Le Petit Prince est-il un livre pour les seniors ?

Le Petit Prince est-il un livre pour les seniors ?

Le 29 mars 2023, le Petit Prince fête ses 80 ans. Un âge plus que respectable pour un conte que l’on croit souvent destiné uniquement aux enfants.

Or, comme chacun sait, le Petit Prince est bien plus qu’un conte pour les enfants. S’il en a toutes les apparences, il est avant tout un livre de sagesse.

Et de ce point de vue, il a quelque chose à apporter à tout âge. Et notamment quand on est âgé. Pour cette raison, le Petit Prince est indiscutablement un livre pour seniors.

 

Aperçu en quelques titres

Le Petit Prince, qu’est-ce que ça raconte ?

Le Petit Prince, qu'est-ce que ça raconte ?
Le Petit Prince, qu’est-ce que ça raconte ?

Résumé de l’histoire du Petit Prince

Tout le monde ou presque connaît l’histoire du Petit Prince. C’est le livre le plus diffusé au monde après la Bible. C’est dire ! On le réduit volontiers à un livre pour enfants qu’on étudie en classe.

D’évidence, c’est plus que ça. Comme pour la Bible, il y a plusieurs niveaux de lecture qui vont de la plus simple à la plus sophistiquée.

Si on s’en tient au premier niveau, on a l’histoire d’un petit bonhomme qui s’ennuie sur son petit astéroïde B612 et qui va faire un tour dans les étoiles environnantes.

Tous les gens qu’il y rencontre sont des gens bizarres. Comme la plupart des adultes peuvent apparaître aux yeux d’un enfant. Mais, la critique est facile si on en reste là. Les enfants deviennent grands et deviennent à leur tour tout aussi bizarres.

Par suite, si on veut retirer quelque chose de l’histoire du Petit Prince, il faut passer aux autres niveaux. L’histoire pour enfant devient alors conte philosophique.

Les grandes leçons que l’on peut en tirer du Petit Prince, livre pour seniors

La première leçon est celle tirée des attitudes stéréotypées : le roi, le géographe, le businessman, l’allumeur de becs de gaz,  etc. Chacune est l’occasion pour Saint Exupéry de montrer ce qu’elle peut avoir de nul.

Le roi avec sa soif de pouvoir, le businessman, celle de biens en tout genre, l’allumeur de becs de gaz, celle du « rien-du-tout » et le géographe, celle des savoirs sans intérêt.

Leçon facile à faire et faite par bien d’autres auteurs avant saint Ex. Leçon tellement entendue qu’elle peut être renouvelée en permanence pour le même résultat. Après tout, il faut bien s’occuper.

La deuxième leçon, somme toute beaucoup plus profonde, est celle qui concerne l’amitié, et par suite, l’amour. Trop souvent, pour l’une comme pour l’autre, on applique les mêmes schémas qui sous tendent les attitudes habituelles.

Autrement dit, on veut, par exemple, les acheter, les imposer, les analyser sans fin ou leur appliquer une routine. Evidemment avec des résultats variables. La réponse intemporelle du Petit Prince, ou plus exactement du renard du désert qui se trouve là, c’est de les apprivoiser.

De fait, en la mettant en pratique, le progrès est quasi immédiat. Pourquoi ? Parce que toute relation fondée sur « l’apprivoisement » conduit forcément à un respect et à une écoute authentique de l’autre. A supposer toutefois, de vouloir apprivoiser ce qui est apprivoisable.

La troisième leçon, universelle celle-là, consiste à rappeler, qu’au final, savoir se contenter de petites choses est tout aussi valable, sinon plus, que de se lancer dans de vastes explorations par ennui ou par vaine ambition.

Malgré leur âge et leur expérience, les seniors ont malheureusement souvent tendance à oublier les trois grandes leçons du Petit Prince et à générer autour d’eux un climat tellement anxiogène qu’ils en développent des pathologies difficiles à supporter pour eux et leur entourage.

Les leçons de vie du Petit Prince, livre pour les seniors

La vieillesse pose problème

C’est peu dire qu’il est parfois difficile, très difficile même, de vieillir. On ne parle pas ici du vieillissement alors qu’on fait encore partie de jeunes générations, mais du vieillissement qui mène directement au grand âge.

On veut parler de ce vieillissement qui se traduit par d’innombrables problèmes physiques et psychiques. La liste des premiers peut être très longue. L’un après l’autre tous les organes donnent des signes de fatigue et nécessitent une médicamentation de plus en plus poussée.

Quand ce n’est pas des interventions chirurgicales toujours risquées passé un certain âge. A cela s’ajoutent les non moins nombreux problèmes psychiques. Beaucoup sont liés à la dégénérescence cérébrale, et on n’y peut pas grand’chose, mais d’autres, tout aussi handicapant, ne sont que la manifestation récurrente d’une anxiété, l’anxiété des seniors,  ou d’une mélancolie irrépressible.

D’évidence, la vieillesse pose problème. A tel point qu’on voudrait pouvoir l’effacer, soit par des pratiques anti-vieilissement, de plus en plus poussées, soit en cherchant à la nier par tous le moyens possibles et imaginables.

Dans un monde où la question des fins dernières fait partie de ces questions dont on n’ose plus parler, parce qu’on les juge, pour une raison ou pour une autre, obsolètes – il suffit pour se faire une idée de la crise que cela représente de penser à la foi chrétienne en la Résurrection – le Petit Prince peut se révéler salvateur.

La vieillesse, ça s’apprivoise

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Tout est, en effet, question de point de vue. Si on ne peut pas changer l’âge de ses artères, on peut toujours changer le regard qu’on porte sur elles. Certes, on a des cheveux blancs et la peau toute ridée, mais ces deux signes majeurs de la vieillesse peuvent être aussi les signes de l’expérience et d’une plus grande sagesse.

Quand on a compris cela, on peut commencer à apprivoiser sa vieillesse. C’est-à-dire à l’accepter et à en faire un utile pont intergénérationnel, à l’opposé de tout jeunisme, âgisme ou de militantisme pour une « fin-de-vie-dans la dignité », autre façon de désigner l’euthanasie.

Et là, il faut le reconnaître, Saint Ex et son Petit Prince peuvent se révéler une source de méditations irremplaçable. Il ne s’agit plus de lire un petit livre de contes pour aider des petits-enfants à s’endormir, mais de lire un petit manuel qui va aider, jour après jour, à faire la paix avec soi-même

Quelles démarches entreprendre ?

Première leçon du Petit Prince, livre pour seniors

Revenons-en à la première leçon du Petit Prince, celle où il se moque des lubies professionnelles. Elle renvoie les seniors à leurs regrets de n’avoir pu mener telle ou telle carrière, ou de n’avoir pu réussir tel ou tel projet.

Lubies professionnelles, mais pas seulement. On peut aussi mettre dans le même sac, les lubies familiales. Ah si le partage des biens du grand père avait pu se faire différemment après sa mort, etc. A bien y réfléchir, tous ces regrets  sont inutiles.

Ce sont des lubies interchangeables, des occupations. Des bizarreries, sans réelle valeur. Alors à quoi bon les regretter ou envier ceux qui les mènent mieux qu’on n’a su le faire ?

Deuxième leçon du Petit Prince, livre pour les seniors

La deuxième leçon est celle de l’amitié et de l’amour. Il n’y a pas d’âge pour éprouver de l’amitié ou de l’amour pour quelqu’un. La création de liens fait partie de la vie. Elle lui est même indispensable.

Seulement, dans ce domaine, le « je veux » est inopérant et encore plus quand on est vieux. Même avec de gros moyens. Une amitié ou un amour ne peut prendre forme que si s’engage un processus réciproque d’apprivoisement.

Le « je t’aime » ne peut être reçu que s’il est totalement désintéressé et conscient de ce qu’est l’autre. Le résultat, sinon ? Plus de solitude. Plus d’isolement. Il faut donc savoir faire confiance au petit renard du désert.

Si tu m’apprivoises, dit-il, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde.

Troisième leçon du Petit Prince, livre pour les seniors

C’est peut-être la plus ardue. Plus on vieillit, moins on est satisfait. De tout et de rien. Rien ne va jamais bien. Au point que le senior tourmenté en permanence par ses insatisfactions semble être environné d’un nuage toxique aussi délétère que celui de Tchernobyl et que tout ceux qui se risquent à l’approcher n’ont finalement qu’une envie : fuir !

Ce qui, au demeurant, est la seule chose à faire tant le senior « possédé » par ses frustrations est au-delà de tout raisonnement. De fait, lui seul est capable d’y remédier. De fermer le « robinet »  en quelque sorte. Et pour ça, écouter le Petit Prince, c’est dire comme Carl Gustav Jung  :

La plus petite chose dotée de sens a plus de valeur  que la plus grande chose si elle en est dénuée

A cette aune, une multitude de coquelicots parsemant un pré verdoyant suffit à créer un instant de bonheur. Ce que ne peut faire l’entrée bruyante en gare d’un train chargé de passagers exténués se dirigeant vers une destination qu’on envie à tort.

Si on y prête attention, la vie ne cesse de placer devant nos pas plein de ces petites choses dont parle Jung.

Le Petit Prince, un livre de chevet pour seniors

Le Petit Prince a été publié pour la première fois en avril 1943. Il vient donc de fêter ses 80 ans. Et il n’a pas pris une ride. Bien, au contraire ! On peut bien sûr en réserver la lecture aux jeunes enfants. Il y a là bien des idées qui peuvent les aider à construire leur vie et à tracer leur chemin.

Mais, outre que les seniors en tant que grands-parents peuvent les accompagner dans cette lecture, celle-ci peut aussi les aider à franchir sereinement la dernière étape de leur existence. Bien mieux que les discours utilitaristes dont on les abreuve ad nauseam.