Les hausses des retraites de 2022 sont-elles suffisantes ?

Les hausses des pensions de retraite de 2022 sont-elles suffisantes ?

Après des années de quasi stagnation, le montant des pensions de retraite a bénéficié en 2022 d’un solide coup de pouce. A cela, une raison : la reprise de l’inflation qui a atteint des niveaux qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps. Au-delà d’une indexation naturellement bienvenue, la question se pose quand même de savoir si cette hausse des retraites permet réellement de compenser la hausse des prix. Et ce n’est pas tout. Cette hausse des retraites est-elle supportée d’égale façon par les différents retraités ? Autrement dit, certains retraités  sont-ils plus pénalisés que d’autres ? De fait, les mesures prises pour essayer d’endiguer la hausse des prix ne risquent-elles pas, aussi, d’impacter négativement les revenus tirés de l’épargne par les seniors ?

 

Aperçu en quelques titres

Evolution de l’inflation depuis 2015

Effet de l’inflation 2022 sur le pouvoir d’achat des retraités

L’inflation 2022 a surpris tout le monde. Ou presque. Le fait est qu’avec une hausse des prix sur un an de 5,6 % en septembre  et de, peut-être, 6,2 % en octobre, il y a effectivement de quoi s’inquiéter. En tout cas, dès lors qu’elles n’augmentent pas au même rythme. Tout écart entre cette hausse des prix et celle des retraites se traduit, en effet, par une baisse équivalente en pouvoir d’achat.

Ce qui en soit n’est pas très grave. A condition que le phénomène ne dure pas !  Mais, cela devient très préoccupant s’il dure et encore plus si l’inflation réelle est plus élevée que celle annoncée.

 

Evolution de l'inflation depuis 2015
Evolution de l’inflation depuis 2015

L’inflation depuis 2015

Si l’inflation 2022 étonne autant, c’est qu’elle très différente de celle des années précédentes. Ainsi en 2015, selon le site France Inflation.com, elle était égale à 0 %. Et guère plus élevée les années suivantes :

  • + 0,2 % en 2016.
  • + 1 % en 2017.
  • + 1,8 % en 2018.
  • + 1,1 % en 2019.
  • + 0,5 % en 2020.
  • Et, + 1,6 % en 2021.

Pour retrouver un même niveau d’inflation que celle de 2022, il faut remonter à 1985. Cette année-là, l’inflation a  été de 5,8 % et n’a cessé de baisser les années suivantes, mettant ainsi fin à un cycle de hausse entamé à la fin de années 60.

D’où la question légitime : la hausse de 2022 est-elle l’amorce d’un nouveau cycle de hausse de plusieurs années ?

Si tel est le cas, d’évidence, cela ne peut avoir que des incidences sur la manière dont on doit apprécier la question des retraites, en général, et de leur revalorisation, en particulier.

L’inflation 2022 est-elle seulement de 6,8 % ?

Trois facteurs donnent à penser que l’inflation 2022 n’est que le prélude à une longue série de taux élevés. Tout d’abord, elle résulte de la forte création monétaire induite par la crise sanitaire. C’est une des traductions de la politique du « quoi qu’il en coûte ». Ensuite, sur ce terreau défavorable, se sont ajoutés les bouleversements structurels provoqués par la crise ukrainienne.

Par ailleurs, la mesure de l’inflation par l’Insee est celle d’un panier de produits dont on ne connaît pas réellement la liste. Il s’agit donc d’une moyenne de hausses particulières, dont l’importance varie en fonction des coefficients retenus par les enquêteurs. De sorte que le « ressenti inflationniste » peut être bien plus élevé que ce que donne à voir leur synthèse.

Ainsi, quand cette synthèse donne un chiffre d’inflation de 6,2 % en octobre, on note que :

  • La hausse des produits alimentaires a été, elle, de 11,8 %.
  • Celle des produits frais,  de 16,9 %.
  • Et celle de l’énergie, de 19,2 % !

Reste à chacun à voir la part de chacune de ces dépenses dans son budget pour avoir une idée de ce que peut représenter pour soi  le choc inflationniste en cours.

L’inflation 2022 est-elle durable ?

Tout dépend des mesures prises par la BCE. Et elles ne sont pas toujours faciles à suivre ! D’un côté, elle continue à refinancer le système bancaire avec flexibilité et souplesse, de l’autre, elle augmente régulièrement ses taux directeurs. Ces derniers sont désormais de 1,50 %, pour les plus élevés.  Cela après avoir été longtemps négatifs.

Grâce à la combinaison de ses différentes mesures, la BCE espère contenir l’inflation dans la zone euro à 8,1 % en 2022, puis la ramener à 5,5 % en 2023 et à 2,3 % en 2024. Le tout dans un contexte où la croissance économique devrait croître de 3,1 % en 2022, de 0,9 % en 2023 et de 1,9 % en 2024.

Bref, force est de constater que l’avenir reste imprévisible et qu’au moins à court terme les tensions inflationniste ne vont pas se réduire.

 

Revalorisation des retraites depuis 2015

Régime général et pensions liées (réversion, aspa, asi)

Les pensions du régime général sont restées bloquées de 2013 à 2015,  date à laquelle elles ont été revalorisées de 0,1 %.  Puis, elles ont été rebloquées à nouveau en 2016, avant d’être légèrement augmentée en 2017 de 0,8 %.

Rebelote en 2018, avec un nouveau bloquage, puis nouvelle revalorisation :

  • De 0,3 % en 2019 et 2020.
  • De 1% en 2021.
  • Et enfin, de 4 % en 2022.

Autrement dit, entre 2015 et 2022, les pensions de retraite du régime de base ont augmenté au total de 5,5 %, alors que dans le même temps l’inflation a augmenté de plus du double.

A noter que pour arriver à cette « performance », les pouvoirs publics ont été amenés à découpler à plusieurs reprises l’augmentation des pensions de la moyenne de l’inflation observée au cours des 12 mois précédents.

Mécaniquement donc, le pouvoir d’achat des retraités du régime général a globalement diminué d’au moins 5 % sur la période. Et même chose pour les pensions liées à ce régime général.

Régimes complémentaires

Si on ne s’intéresse qu’à l’Agirc-Arrco, qui est un bon indicateur pour suivre l’ensemble des régimes de retraites complémentaires, on est bien obligé de constater un sacré décrochage par rapport à l’inflation. Et ce décrochage ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui.

Dans un article récent, le journal Capital, daté du 8 octobre 2021, relève qu’un ménage touchant une retraite mensuelle de 1200 euros en 2011, dont 300 euros de retraite complémentaire, ne pouvait compter dix ans plus tard, pour ce qui concerne celle-ci, que sur 317,45 euros. Soit une augmentation mensuelle de 17,45 euros ! Et l’auteur de l’article de préciser :

Si les revalorisations avaient bien suivi tous les ans l’inflation, il aurait touché une retraite complémentaire de 329,68 euros par mois.

Le différentiel est donc loin d’être neutre. On comprend dès lors que la hausse des retraites complémentaires de 5,12 %, actée pour le 1er novembre 2022, était on ne peut plus nécessaire.

 

La hausse des retraites en 2022 est-elle suffisante ?

Hausse des retraites et pouvoir d’achat

Sans entrer dans les détails des hausses propre à chacun des régimes de retraite et de l’incidence que peut avoir sur le montant finalement perçu la part revenant à chacun, la question que tout retraité se pose désormais est de savoir comment il va pouvoir vivre de ses pensions de retraite à l’avenir.

Les différentes hausses des pensions de retraite en 2022
La hausse des pensions de retraite en 2022 est-elle suffisante ?

En effet, comme il a été montré plus haut,  les revalorisations de 2022 ne compensent qu’à peine la hausse des prix et, de ce fait, elles ne rattrapent en rien les effets négatifs de la désindexation des années précédentes.

Hausse des retraites et réforme des retraites

Par ailleurs, la question de la réforme des retraites est toujours latente et sa traduction est de toujours peser davantage, d’une manière ou d’une autre, sur les salariés. Ce qui naturellement a pour conséquence de pousser les pouvoirs publics à modérer autant qu’ils le peuvent toute hausse des retraites.

D’évidence, le pire des scénarios pour les retraités est une combinaison de facteurs se traduisant par une inflation soutenue, c’est-à-dire dépassant largement les 2 % annuels visés par la BCE, et une quasi stagnation de l’activité économique.

Dans ce scénario, les prix continuent à croître et l’activité à ralentir à cause d’un mix monétaire et budgétaire ne parvenant pas à faire face, malgré les apparences, aux contraintes imposées par des crises devenues permanentes et incontrôlables.

De ce point de vue, la hausse des retraites de 2022 est insuffisante pour préserver réellement le pouvoir d’achat des retraités et, si rien ne change, de nouveaux ajustements du même ordre seront nécessaires dans les mois et les années à venir.

Du moins si les retraités dépendant entièrement de leurs pensions de retraite veulent préserver leur niveau de vie. Pour ceux, dont les ressources proviennent aussi de leur épargne, les choses peuvent néanmoins être moins négatives. Du moins jusqu’à maintenant.

Effets de l’inflation et des mesures anti-inflation sur les revenus de l’épargne

Dévalorisation des sommes placées sur un livret A

Le livret A est manifestement le mode d’épargne le plus populaire en France. En effet, on y on compte pas moins de 55 millions de titulaires. Facile à ouvrir, facile à utiliser, son plafond est suffisamment haut pour convenir à tous les membres d’une même famille.

Effets de l'inflation et des mesures anti-inflation sur les revenus de l'épargne
Effets de l’inflation et des mesures anti-inflation sur les revenus de l’épargne

Mais qu’en est-il de ses revenus ? Evidemment, ils sont directement liés à son absence de risque. De sorte que ce qu’on en attend, essentiellement, c’est que l’argent qu’on y dépose ne perde pas sa valeur.

Et pour ça, tout dépend du rapport entre son taux d’intérêt et le taux d’inflation. A noter que l’on calcule le taux d’intérêt du livret A 4 fois dans l’année : au 15 janvier, au 15 avril, au 15 juillet et au 15 octobre. Et le nouveau taux entre en vigueur au 1er du mois suivant.

Au 1er août 2022, il est ainsi passé de 1 % à 2%.

Un tel taux notoirement en deçà du taux de l’inflation, appelle néanmoins plusieurs remarques. Il s’agit d’un taux entièrement net et, répétons-le, assuré sans prendre aucun risque. Par ailleurs, compte tenu de ses mécanismes d’indexation, il devrait atteindre 2,8 %, début 2023.

Du moins, si on laisse jouer les mécanismes d’indexation automatiques !

D’évidence, il ne faut donc pas compter sur les revenus des différents livrets d’épargne pour compenser la perte du pouvoir d’achat des pensions de retraite. Mais, à coup sûr, il y a fort à parier que ce sont plutôt les sommes placées sur ces livrets qui serviront de « tampon », le cas échéant, pour le préserver.

Encadrement des loyers

Bon pour les locataires, moins bon pour les propriétaires, le plafonnement des loyers mis en œuvre par la loi  du 16 août 2022 portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dispose que  :

pour la fixation des indices de référence des loyers entre le 3ème trimestre de l’année 2022 et le 2ème trimestre de l’année 2023, la hausse de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 % en métropole, 2% en Corse et 2,5 % en Outre-mer.

Voilà qui est clair. Si on a des revenus qui dépendent d’un bail dont le loyer est modeste, il ne faut pas s’attendre à ce que l’évolution de l’IRL, inférieure à l’inflation, améliore son rendement. Bien au contraire !

Heureusement, on peut quand même s’en servir pour faire, éventuellement, de l’optimisation fiscale.

Sous – performance de l’assurance-vie

Laissons la parole  aux spécialistes et notamment au Cercle de l’épargne qui note dans un billet publié en septembre 2022 que :

Les rendements des fonds euros sont orientés à la baisse depuis une dizaine d’années en lien avec celle des taux d’intérêt des obligations d’Etat. Ils sont ainsi passés de plus de 5,8 % en 1997 à 1,28 % en 2021. Avec  une inflation qui pourrait être supérieure cette année à 6 %, le rendement réel des produits de taux est négatif dans des proportions sans précédent depuis les années 80.

Bref, là non plus, ce n’est pas terrible. Reste alors la « débrouille » avec tous les risques qui vont avec.

Yo-Yo des marchés financiers

Après avoir évolué au gré de la pandémie, les valeurs du CAC 40 évoluent, désormais, au gré des évènements géopolitiques et des mesures prises par les banques centrales.

Cependant, les investisseurs ayant su investir au bon moment et sur les bonnes valeurs bénéficient de rendements souvent historiques. Comme l’indiquent, avec une pointe d’euphémisme, les analystes financiers :

Les dividendes des entreprises du CAC 40 sont globalement orientés en nette hausse en 2022 dans un contexte de rebond des bénéfices post-épidémie du covid 19.

Cela dit, tout dépend quand même des valeurs choisies, mieux vaut, par exemple, avoir investi dans des entreprises comme TotalEnergies que dans d’autres comme Renault. Sans même parler des « coups » qui peuvent être très hasardeux si on cherche à profiter des mouvements de l’or ou des crypto monnaies.

Autant dire que dès que les revenus de l’épargne se mettent à dépendre d’une gestion active de son patrimoine, on entre dans un univers forcément réservé aux connaisseurs et à des détenteurs de patrimoines significatifs. Ce qui n’est évidemment pas la cas de la très grande majorité des retraités.

Quelle hausse des retraites à l’avenir ?

De sorte que pour ce qui est de ces derniers, le retour de l’inflation est une très mauvaise nouvelle. Elle signifie que non seulement les pensions de retraite vont voir leur pouvoir d’achat diminuer, mais qu’il en sera de même pour la plupart des revenus de l’épargne.

Autrement dit, si les retraités veulent éviter une chute drastique de leur niveau de vie, ils vont devoir s’intéresser de près aux politiques suivies par les pouvoirs publics et veiller encore plus qu’auparavant à ce qu’elles visent plus à préserver le bien commun qu’à poursuivre des idéaux qui peuvent, de ce point de vue, se révéler très vite calamiteux.

Rappelons que le bien commun peut se définir comme étant l’ensemble de ce qui soutient la coexistence et par conséquent l’être même des personnes.

D’où la question cruciale : que deviennent ces personnes si elles n’ont plus les moyens de participer à cette coexistence du fait de ces idéaux ?