D’année en année, les seniors constituent une part de plus en plus importante des votants. Ce poids électoral en fait un élément décisif pour toute élection et encore plus, pour l’élection présidentielle. Quelles sont donc les mesures des candidats pour les seniors ? Pour certains commentateurs de la vie politique, le poids électoral des seniors affecte à tel point le fonctionnement démocratique du pays que l’on peut dire qu’il s’agit désormais :
D’une démocratie de retraités, par les retraités, pour les retraités.
Mais, qu’en est-il exactement ? Que proposent précisément les principaux candidats pour répondre aux attentes des seniors ? Peut-on réellement dire que ces propositions font de la démocratie française, une démocratie de retraités ?
Aperçu en quelques titres
Poids électoral des seniors
Taux de participation des seniors
C’est un fait, globalement, les seniors pèsent lourd dans la balance électorale. Cependant, ils se répartissent en trois catégories et suivant la catégorie à laquelle ils appartiennent, ce « poids » est variable.

D’une manière générale, le taux de participation des seniors aux élections est plus élevé que pour toutes les autres tranches d’âge. Il est ainsi supérieur à 80 % pour les seniors de 63 ans à 74 ans. Mais, passé l’âge de 80 ans, il baisse de manière significative.
Il est ainsi de 62 % pour les plus de 83 ans et de 50 % pour les plus de 88 ans. Cela dit, même s’il baisse, pour des raisons faciles à imaginer, il reste néanmoins à un niveau élevé. En effet, c’est plus que l’ensemble des jeunes générations de moins de 40 ans en âge de voter.
Impact électoral du taux de participation des seniors
L’impact électoral du taux de participation élevé des seniors résulte de deux facteurs. Un premier facteur, d’ordre quantitatif et un deuxième facteur, d’ordre qualitatif.
Le premier facteur, quantitatif, est lié à l’importance même des seniors dans la pyramide des âges. Pour ne s’en tenir qu’aux plus de 65 ans, ceux-ci constituent, en effet, près de 20 % de la population, ce qui, du fait de leur taux participation, se traduit en un tiers des votants.
Et cette tendance est loin d’être terminée. Car, on s’attend à ce que la part des seniors dans la population passe de 20 % à 30 % d’ici 2020. Autrement dit, quasiment pour la prochaine élection présidentielle de 2027.
A noter que cet impact quantitatif s’explique à la fois par la conviction de l’immense majorité des seniors que voter est un devoir et par le fait que la quasi-totalité d’entre eux ont un domicile stable.
Le deuxième facteur est qualitatif. Les seniors ne sont pas des révolutionnaires. D’une manière générale, ils sont plutôt de sensibilité catholique, prêts à participer à des actions citoyennes, tant qu’ils le peuvent, soucieux de protéger leurs revenus et leur patrimoine et attachés à la construction européenne.
Mesures pour les seniors des principaux candidats à l’élection présidentielle 2022
Par principe, toutes les mesures proposées par les candidats intéressent les seniors. Mais, certaines plus que d’autres et plus particulièrement celles proposées par les candidats les mieux placés dans les sondages. Autrement dit, ceux les plus à même de remporter l’élection.
Certes, les sondages ne sont pas une science exacte. Ils rendent plus ou moins compte d’un état de l’opinion à un moment donné. Et, d’un institut à l’autre, les méthodologies comme les échantillons des sondés peuvent être très différents.

Mais, globalement, ils donnent une idée, et une idée seulement, de ce que peut être le résultat d’une élection, si rien ne change. Cela dit, en fonction du classement opéré par les sondages, les propositions de 5 candidats méritent une attention particulière. Il s’agit d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen, d’ Eric Zemmour, de Jean-Luc Mélenchon et de Valérie Pécresse.
Par ailleurs, il y a des propositions qui intéressent plus, globalement, les seniors que d’autres. Il s’agit, notamment, des mesures concernant l’âge du départ à la retraite, le niveau des pensions de retraite, les conditions de transmission du patrimoine et la prise en charge de la dépendance et de la fin de vie.
L’âge du départ à la retraite selon les candidats à l’élection présidentielle 2022
Actuellement, l’âge légal du départ en retraite est, pour les salariés nés après 1955, de 62 ans et de 40 annuités, pour bénéficier du taux plein.

Selon les candidats, cet âge légal est modifié et varie de 60 ans à 65 ans :
- Emmanuel Macron : 65 ans, avec un bonus pour les carrière longues ou pénibles et une mise en œuvre progressive de 2022 à 2034.
- Valérie Pécresse : 65 ans, avec une prise en compte des carrières longues ou pénibles et une mise en œuvre d’ici 2030.
- Eric Zemmour : 64 ans, âge légal modulé selon la pénibilité de la carrière et de sa durée.
- Marine Le Pen : 62 ans. L’âge légal reste donc inchangé, sauf pour ceux qui ont commencer à travailler avant 20 ans ou entre 20 ans et 24,5 ans. Dans ce cas, l’âge légal de départ à la retraite peut être ramené à 60 ans pour les situations les plus favorables.
- Jean-Luc Mélenchon : 60 ans pour tous, avec 40 annuités.
A noter qu’à ce stade, plus personne ne parle de suppression des régimes spéciaux et de régime universel à points.
Le niveau des pensions des retraités selon les principaux candidats à l’élection présidentielle 2022
Pour évaluer correctement les propositions de chaque candidat en ce qui concerne les pensions de retraite, il faut rappeler que la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites dispose dans son article 4 que :
La Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »

A noter qu’au 1er janvier 2022, le smic mensuel net est de 1269 euros et que 85 % de ce montant est égal à 1078 euros. Cela dit, les propositions des différents candidats dans ce domaine sont les suivantes :
- Emmanuel Macron : 1100 euros comme minimum pour une pension de retraite, après avoir effectué une carrière complète.
- Marine Le Pen : 1000 euros minimum, quelle que soit la durée de la carrière, même chose pour l’ASPA, le tout indexé sur le taux d’inflation.
- Eric Zemmour : Revalorisation jusqu’à 600 euros par an pour toutes les retraites inférieures à 1300 euros nets grâce aux exonérations de CSG et de CRDS.
- Jean-Luc Mélenchon : 1400 euros, montant égal à un smic revalorisé et ASPA égal au seuil de pauvreté.
- Valérie Pécresse : Montant égal au smic pour les carrières longues.
Conditions de transmission des patrimoines selon les principaux candidats à l’élection présidentielle 2022
La question de la transmission d’un patrimoine entre membres d’une même famille est devenue une question centrale de la fiscalité avec l’augmentation de la population âgée et le montant moyen des patrimoines pouvant être transmis.

De ce point de vue, les mesures pour les seniors des principaux candidats à l’élection présidentielle 2022 divergent sensiblement. Ainsi pour :
- Emmanuel Macron : L’abattement passe de 100 000 euros à 150 000 euros par enfant pour les héritages en ligne directe et est uniformisé à 100 000 euros pour les héritages en ligne indirecte.
- Marine Le Pen : Le délai entre deux abattements passe à 10 ans au lieu de 15 ans et son montant est relevé à 300 000 euros pour les biens immobiliers. Par ailleurs, la transmission entre grands-parents et petits-enfants peut bénéficier d’un abattement de 100 000 euros.
- Eric Zemmour : Les droits de succession pour les entreprises sont supprimés. L’abattement est relevé à 200 000 euros et les héritiers peuvent en bénéficier tous les 10 ans.
Mais encore pour :
- Jean-Luc Mélenchon : L’abattement est relevé à 120 000 euros. Au-delà de 12 000 000 euros, le prélèvement fiscal sur l’héritage est de 100 %. Le bénéfice de l’abattement peut s’élargir, dans certains cas, à d’autres personnes ne faisant pas partie de la famille.
- Valérie Pécresse : Le délai pour bénéficier de l’abattement est de 6 ans. Il est de 200 000 euros en ligne directe et de 100 000 euros pour les autres membres de la famille. Le montant des abattements en cas de donation augmente et varie entre 50 000 euros et 100 000 euros.
A noter que la nature des mesures proposées varie selon le type de transmission que chaque candidat veut favoriser. Par exemple, les entreprises pour Eric Zemmour ou les biens immobiliers pour Marine Le Pen. Cependant, tous, à des degrés divers, relèvent le niveau des abattements.
Mesures pour la dépendance et de la fin de vie des seniors selon les principaux candidats à l’élection présidentielle 2022
C’est un sujet dont la gravité vient d’être brusquement mise en lumière par la publication du livre de Victor Castanet, « Les fossoyeurs ».

Les mesures, dans ce domaine, pour les seniors des différents candidats se résument souvent à de simples déclarations générales ou à un empilement de mesures particulières. A savoir pour :
- Emmanuel Macron : Une prime dite « Maprime Adapt » qui doit permettre d’aider à adapter les logements des personnes âgées. De même que l’augmentation du nombre d’heures par semaine pour les accompagner et celui des aides-soignantes ou des infirmiers. Cela dit, pas de grande loi « dépendance ». Mais, une convention citoyenne sur l’euthanasie. Ses propositions pourront faire l’objet d’un référendum. Et naturellement, plus de contrôles dans les Ephad.
- Jean-Luc Mélenchon : Prêt à légaliser l’euthanasie. Naturellement, sans la rendre obligatoire, ni en faire la promotion. Pour le reste, le candidat veut augmenter le nombre de lits dans les établissements de soins et celui du personnel. Il y voit la création de 210 000 emplois.
Mais aussi pour :
- Eric Zemmour : Il veut promouvoir un grand plan de développement des unités de soins palliatifs dans le respect de la dignité des patients.
- Valérie Pécresse : Elle s’en tient à la loi Claeys-Léonetti, de 2016 qu’elle veut rendre totalement opérationnelle. Tout en craignant qu’elle ne facilite l’abus de faiblesse. Pour le reste, elle veut développer les services à domicile et réorganiser le fonctionnement des Ephad.
- Marine Le Pen : La candidate ne veut pas non plus de légalisation de l’euthanasie. Elle en revient, elle aussi, aux dispositions de la loi Claeys-Leonetti et veut, plus particulièrement, accroître le nombre d’unités de soins palliatifs.
Extrait du code de la santé publique, modifié par la loi 2016-87, du 2 février 2016, dite loi Claeys-Léonetti
« Art. L. 1110-5-3.-Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.
« Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade, sans préjudice du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.
« Toute personne est informée par les professionnels de santé de la possibilité d’être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet.
Les mesures des candidats finalement peu en adéquation avec le poids électoral des seniors
Il est à noter que parmi les propositions des candidats figurent des mesures qui ont déjà fait l’objet d’un vote législatif, mais qui n’ont pas reçu, à ce jour, une pleine application.
Par ailleurs, le tableau de ces propositions tel qu’il vient d’être dressé, ressemble davantage à une esquisse qu’à une check-list. En effet, certaines des propositions s’apparentent plus à des déclarations générales qu’à des mesures immédiatement applicables.
Cela dit, d’autres mesures pouvant intéresser les seniors ne figurent pas dans ses différentes têtes de chapitres. En effet, outre les seniors, elles peuvent également concerner, plus largement, d’autres catégories de la population. Citons, entre autres, l’impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) ou la taxe sur l’audiovisuel.
Finalement, contrairement à ce qu’on pourrait croire, compte de leur poids électoral, les mesures spécifiques aux seniors se limitent principalement à la question, très sensible, il est vrai, de l’âge de départ à la retraite, un peu moins, à celle du niveau des pensions, et encore un peu moins, aux conditions de vie des seniors.
De ce fait, il paraît bien abusif de dire que la démocratie française est une démocratie de retraités.