Pourquoi réformer les retraites ?

Pourquoi réformer les retraites ?

La question « pourquoi réformer les retraites » peut paraître incongrue tant il semble que tout le monde soit d’accord pour réformer les régimes de retraite et que les seuls désaccords portent sur la manière de le faire. Rien donc qui ne puisse à la fin être surmonté. Sauf que souvent derrière la simplicité d’une question, se cachent, en réalité, beaucoup de « diableries ». Et dans le cas de la réforme des régimes de retraite, elles ne manquent pas tant les apparences peuvent être trompeuses. Pour autant, sa mise en œuvre telle qu’elle se présente va se traduire inévitablement par des perdants et des gagnants.

Aperçu en quelques titres

Les gagnants et les perdants de la réforme des retraites 2023

Les gagnants et les perdants de la réforme des retraites 2023
Les gagnants et les perdants de la réforme des retraites 2023

Les grands gagnants

Pourquoi  réformer les retraites ?  Pour les retraités, la réponse est évidente : pour continuer à percevoir sa retraite !  C’est qu’on ne sait jamais.  Avec l’arrivée des « baby boomers » devenus les « papy boomers », le risque existe qu’il n’y ait pas assez de jeunes générations pour alimenter les caisses des régimes de retraite. Dans ce cas, faute de pouvoir compter sur ces générations, il faudrait alors, soit accroître le déficit des finances publiques, soit, « horresco referens », diminuer le montant de pensions versées.

Deuxièmes sur le podium, les retraités n’ayant pas assez cotisé pendant leur vie professionnelle et qui ne peuvent entrer dans les dispositifs existant pour bénéficier d’un niveau de retraite décent. Pourquoi réformer les retraites ? Pour eux aussi la réponse est évidente. Être certain d’avoir une retraite au moins égale à 85 % du smic, autrement dit, à au moins 1200 euros, c’est plutôt rassurant.

Bon, une autre catégorie réussit à tirer son épingle du jeu, ce sont les retraités qui ont exercé des métiers pénibles. Ils peuvent toujours partir à 60 ans au taux plein. Mais, il leur faudra quand même pour ça avoir cotisé pendant 176 trimestres contre 170 précédemment. 6 trimestres de plus, ça équivaut à 18 mois !

La foule des perdants

Les jeunes

Les premiers perdants, au jeu de pourquoi réformer les retraites, ce sont, bien sûr, les jeunes générations, celles, d’ailleurs, qu’on ne voit guère défiler dans les manifestations. Autrement dit, toutes celles auxquelles s’appliqueront les nouvelles dispositions d’âge et de durée de cotisation.

Or, l’allongement de la durée du travail n’est en rien en rapport avec l’allongement de l’espérance de vie. Pour une simple et bonne raison, c’est que l’allongement de l’espérance de vie n’est pas synonyme d’allongement de l’espérance de vie en bonne santé. Surtout que les conditions de travail ont tendance à être d’autant plus pesantes qu’on avance en âge.

Les seniors privés d’emploi

Autres grands perdants du grand jeu de pourquoi réformer les retraites : les seniors privés d’emploi. Passé 50 ans, un senior qui perd son emploi a énormément de mal à en retrouver un. Le plus souvent, il doit se contenter d’une indemnisation qui ne compense pas la perte de son salaire et à laquelle se substitue bientôt une maigre allocation de fin de droit, proche d’un RSA, si la situation se prolonge. Résultat, augmenter l’âge de départ en retraite pour ces seniors revient à prolonger la durée de leur « galère ».

Les régimes spéciaux

Ah, les régimes spéciaux ! Haro sur tous les privilégiés qui peuvent prendre leur retraite très tôt, souvent avant 60 ans, comme, par exemple, les conducteurs de train de la RATP. Mais, pour faire passer la pilule, ils ont pu arracher la clause du grand père. Bref, les nouvelles dispositions alignant leurs régimes sur le régime général ne concernent que les nouveaux entrants dans la carrière.

D’une manière  générale, il est difficile d’être réellement plus précis que ces grandes tendances tant le niveau de retraite perçu par chacun est en réalité unique et dépend des particularités uniques de la carrière professionnelle de chacun.

Cela dit, au-delà des indéniables incidences, parfois graves, de toute réforme des retraites, il convient de bien comprendre les raisons qui peuvent la justifier et qui ne peuvent être réduites au seul constat démographique.

Autrement dit, la question de savoir pourquoi réformer les retraites n’est pas uniquement due à un déséquilibre entre des jeunes cotisants moins nombreux que les retraités vivant de leurs cotisations.

Raison pour laquelle ces jeunes cotisants constitueraient une génération  triplement sacrifiée. Une première fois en subissant des prélèvements incompressibles, une deuxième en travaillant plus longtemps et une troisième en n’étant pas certain d’avoir un niveau de retraite suffisant.

D’où la nécessité de regarder les choses d’un plus près pour mieux être à même de répondre à la question de savoir pourquoi réformer les retraites.

La réalité des chiffres du système des retraites

Si on veut avoir une idée aussi précise que possible de l’état réel du système de retraites et de son évolution, il n’y a qu’une seule chose à faire, c’est, notamment, de commencer par consulter les rapports que le Conseil d’Orientation des Retraites, le COR, publie régulièrement.

Le Conseil d'Orientation des retraites (COR)
Le Conseil d’Orientation des retraites (COR)

Le Conseil d’Orientation des retraites (COR), c’est quoi ?

Créée en 2000, Le COR est une structure rattachée aux services du Premier ministre dont la mission principale est d’analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite. Donc, rien de plus officiel.

Il fait partie du réseau d’agences coordonné par France Stratégie. Il en partage, d’ailleurs, les locaux. France Stratégie est elle-même une structure qui a fait suite au commissariat au Plan, puis au centre d’analyse stratégique, en 2013.

Le COR est présidé par Pierre Louis Bras. Inspecteur général des affaires sociales et ancien Secrétaire général du ministère de Affaires sociales, il est diplômé d’Hec et de l’Ena. Par ailleurs, il donne des cours à Paris Descartes et à Sciences po.

Que dit le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites ?

Le dernier rapport du COR date de septembre 2022. Il est on ne peut plus clair :  à la question « Pourquoi réformer les retraites ? », il répond sans aucune ambiguïté,  » Il n’y a pas péril en la demeure ».

Le système des retraites est excédentaire en 2021 et 2022

Non seulement, le système a été excédentaire en 2021 de 900 millions d’euros, mais il devrait l’être aussi en 2022 de plus de 3 milliards. Oui, mais après ? Eh bien après, justement, rien de catastrophique !

Un système de retraite avec un « trou » de 10 milliards par an pendant 10 ans

Selon les différentes projections, le déficit, si déficit, il y a, devrait tourner autour de 10 milliards par an sur un total de dépenses de l’ordre de 340 milliards. Bref, un « trou » de 0,4 %. On a vu pire.

Retour à l’équilibre du système des retraites à partir de 2035

Et cela d’autant plus que le « trou » a tendance à se combler tout seul. En effet, sans rien changer au système, il devrait être à l’équilibre à partir de 2035. Dans 10 ans ! Ce n’est pas un siècle !

Trois facteurs d’équilibre ou de déséquilibre du système des retraites

Pourquoi une telle évolution ? Tout simplement parce que le système de retraite ne dépend pas que de l’état des stocks générationnels, il dépend aussi du taux de croissance de l’économie et du niveau des revenus. Et là, tadam !

Les experts ne prévoient pas d’effondrement de l’économie. Et d’une ! De plus, les mêmes experts pensent que les revenus des actifs croitront plus vite que ceux des retraités. Et de deux ! D’où un différentiel prévisible dans les niveaux de vie. AÏe, Aïe, le pouvoir d’achat des seniors ! A force, les retraités ne pourront bientôt plus partir en croisière ou voyager comme bon leur semble ! Et parmi les actifs, rares, a priori, seront ceux qui les plaindront.

Effets du pacte de stabilité et de croissance de l’Union Européenne

Effets du pacte de stabilité et de croissance de l'Union Européenne
Effets du pacte de stabilité et de croissance de l’Union Européenne

Puisque l’état du système des retraites n’est pas au bord du « collapse » et ne risque guère autre chose qu’un « petit rhume », facile à contrecarrer sans mobiliser « l’artillerie lourde », d’où vient alors le problème ? Pourquoi provoquer une fièvre sociale pour résoudre un problème qui n’existe pas vraiment ? La réponse est peut être à chercher du côté de l’Union Européenne et de son Pacte de stabilité et de croissance.

Le Pacte de stabilité et de croissance est-il une incitation à réformer les retraites ?

Sans aucun doute. En effet, cela veut dire en clair que les Etats membres doivent s’imposer une discipline budgétaire. Autrement dit ? Eh bien depuis l’instauration de ce PSC en 1997, dans la foulée du traité de Maastricht, le déficit budgétaire de chacun des Etats membres ne doit pas dépasser 3 % du PIB et la dette publique doit être inférieure à 60 % du PIB.

Pour info, le déficit budgétaire de la France devrait être de 5 % en 2022. C’est moins qu’en 2021, où il a été de 6,5 %, mais c’est encore bien loin des 3 %. Mais, côté dette publique, ça flambe ! Début 2023, elle avoisine 3000 milliards d’euros, soit presque le double du ratio de 60 %. Normalement, des sanctions devraient être prises par l’UE, mais bon, ce n’est guère le moment. Elle se contente donc de faire des recommandations. La dernière date du 13 juin 2022.

Est-ce que  l’Union Européenne exige de réformer les retraites en France ?

Là, c’est sûr, on y dit bien qu’il faut réformer le système de retraite, trop coûteux, inéquitable, etc. Mais, il ne s’agit que d’une recommandation et la France n’est pas obligée de la suivre. Du moins pour le moment. De surcroît, les données et les motifs qui y figurent sont ceux qu’elle a elle-même transmises, alors … En tout cas, rien à voir avec les 40 milliards du plan de relance que l’UE doit financer sur un total de 100 milliards.

C’est que ce plan, dit France Relance, s’inscrit dans le plan de relance et de résilience de l’UE et dans son programme NextGeneration, adoptés, l’un et l’autre, pour compenser les effets de la crise covid. La réforme du système des retraites ne figure pas parmi ses axes majeurs. Non, ce plan ne vise pas les retraites. Il est bien plus ambitieux.

Il s’agit d’une occasion unique de sortir plus fort de la pandémie, de transformer nos économies et de créer des possibilités et des emplois pour l’Europe dans laquelle nous voulons vivre. (Il s’agit ainsi) de rendre l’Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente.

Donc, l’Union Européenne n’est, semble-t-il, pour rien dans cette affaire. Interdire la vente des moteurs thermiques pour voitures et camionnettes, à partir de 2035, oui, mais les retraites, bof. Alors qui ?

Pression des marchés financier pour réformer les retraites

Pression des marchés financier pour réformer les retraites
Pression des marchés financier pour réformer les retraites

A vrai dire, il se pourrait bien que tout vienne des marchés financiers. On l’a vu, la dette publique atteint désormais les 3000 milliards d’euros. C’est un record historique ! Comme le souligne un journal financier :

Depuis le début 2020, notre dette publique a explosé de 581,9 milliards d’euros ! Tout ça pour quoi ? Pour une augmentation du PIB de 161,3 milliards d’euros, inflation comprise ! Oui, vous ne rêvez pas : pour obtenir une hausse de PIB de seulement  161,3 milliards d’euros, l’Etat français au sens large a augmenté sa dette de quasiment 582 milliards d’euros !

On aura reconnu sans peine les effets de la politique du « quoiqu’il en coûte ». Le problème, c’est qu’avec le retour de l’inflation et l’augmentation induite des taux d’intérêt, il devient de plus en plus onéreux de se financer sur les marchés financiers. Conséquence : la charge de la dette monte en flèche. Et encore, la France bénéficie toujours, mais jusqu’à quand, d’un bon crédit auprès des prêteurs ! En effet, pour le moment, les taux demandés restent raisonnables.

Oui, mais demain ? Tout va dépendre des réformes structurelles engagées pour réduire les déficits. Et « coucou, la revoilou », la réforme des retraites. En bref, pourquoi réformer les retraites ? Principalement, pour continuer à emprunter à bon compte sur les marchés financiers et contribuer ainsi au financement de toutes les dépenses publiques sans avoir à accroître les impôts.

En bref, Pourquoi réformer les retraites ?

L’ennui quand on touche au système des retraites, c’est qu’on touche à un acquis social hautement symbolique. C’est un des éléments phares du programme du CNR, Conseil National de la Résistance, après la seconde guerre mondiale. Rien à voir à voir avec le CNR, Conseil National de la Refondation, lancé en septembre 2022.

Pourquoi alors réformer les retraites ? Pour les sauver, bien sûr, mais sans avoir à mettre en cause leur économie, ni à les vider de leur contenu ! C’est ce qui explique l’échec de toute réforme passant par la création d’un système universel de retraites fondé sur l’attribution de points et le demi-échec des plans épargne retraite (PER).

Mais, surtout, il n’y a pas de petites économies. Le PSTAB 2022-2027 adopté en juillet 2022 est sans équivoque à ce sujet. Ah, oui, par PSTAB, il faut entendre Progrramme de STAbilité Budgétaire. Et comme il est dit sur le site gouvernemental, sous le chapitre  » Garantir la soutenabilité des finances publiques » :

Le PSTAB 2022-2027 insiste également sur l’importance de la maîtrise de l’augmentation de la dépense publique dans toutes ses composantes. Cette maîtrise reposerait sur des réformes structurelles et serait répartie entre l’Etat, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.

Dont acte, comme on dit. L’ère des coupes sombres à tout niveau ne fait donc que commencer. La réforme des retraites n »est qu’une « fuite » à colmater parmi d’autres. D’autant, et revoilà l’UE, il faut respecter les engagements pris dans le cadre du Plan France Relance, c’est-à-dire, le PNRR, pour Plan National de Relance et de Résilience. Lequel doit consommer 60 milliards d’euros de fonds propres pour contribuer à :

Rendre l’Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente.